Les furieux
Il a un sweat-shirt rouge, les ongles sales, les mains
légèrement noircies, crevassées (de ces crevasses qui créent de petits méandres
blancs et gris sur de larges mains). Une tête pas très originale, mais peu
importe.
Il n'y a pas grand monde dans le métro, et lui est assis à côté de moi. Les
voyageurs se trimballent et se trémoussent au rythme des secousses.
Et puis, il se lève.
Il n'a pas encore ouvert la bouche que les gens jouent déjà à ceux qui ne
voient rien. D'aucuns lorgnent par la fenêtre (sur le couloir noir & tag),
d'autres se plongent dans des bouquins obscurs, des précis d'économie ou
tentent de reconsidérer l'article de Vingt minutes qu'ils parcourent
depuis un bout de temps.
Comme prévu, l'homme se met à hurler. Impossible de savoir quoi. Il lève le
doigt, parcourt furieusement la rame, et descend à la station d'après.
Les parisiens s'amusent à être parisiens, à paraître le plus neutre possible,
une foule de regardeurs droit devant. Seul mon voisin de diagonale aux cheveux
blond platine me lance un petit regard malin, l'air de dire : "Tu as vu
?"