Atmosphère, atmosphère...
Elle a une casquette en velours côtelé, de grosses bajoues,
lui une veste beige et des lunettes.
L'autre a des tongs, un tee-shirt bleu, un short long, parle aussi allemand et
n'arrive pas bien à comprendre le fonctionnement des portes du bus (qui ne se
ferment pas si un pied est posé sur la bande jaune, comme chacun sait).
Forcément, à chaque station, ça prend un peu de temps. Pas de quoi en faire un
flan.
Elle et lui ont l'air aussi inquiétants que Jean-Pierre Pernaut, c'est-à-dire
pas vraiment mais dans le fond plutôt (oui, tout au fond à droite). A eux deux,
ils font moins de trois mètres vingt. Il y en a qui sont la force tranquille,
eux ce serait plutôt la faiblesse anxiogène, et c'est elle qui commence :
-Si tu't'mettais pas sur la porte aussi, ABRUTI ! Mais dégage !"
L'autre, celui à tong, réplique :
- Mais ta gueule, me parle pas...
-Attends tu lui parles pas comme ça ! lui hurle le nabot, le copain
de la première. Elle a l'air con, vraiment con. Mais ça ne lui va pas si mal. Il
y a des gens qui ont l'air con comme d'autres ont des allergies (ça arrive, ça
repart, c'est dans l'air du temps).
Et tout s'enchaîne très vite, des "trou du cul", des
"connard", des "tu fais le fier mais t'es un con", les deux
malpolis du fond du bus contre le grand germaniste debout à mes côtés.
Une immense blonde qui passait par là fait le plus grand sourire qu'elle peut :
-Allez, c'est rien, c'est pas grave....
Peine perdue.
La femme aux cheveux courts et à l'écharpe grise qui tente de lire le Monde
se trouve prise entre quelques échanges gracieux et promesses de cassages de
gueule.
Quand je sors du bus à la station d'après, je constate après avoir parcouru
quelques mètres que le grand en tongues bloque toujours la fermeture des
portes.
Ambiance, ambiance.