Bonapartiens
L'immense escalier qui mène à la bibliothèque surannée de
l'Ecole des Beaux-Arts est poussiéreux, un peu sombre. Je m'assois souvent sur
la plus haute marche pour y manger ma tambouille.
Et puis là, en bas, il y a un homme aux lunettes et petit blouson beige qui a
roulé son journal qu'il place devant ses yeux et semble me regarder. Je tente
de délicatement cisailler les spaghettis que je suis en train de baffrer, mais
rien à faire, je me barbouille de purée de carottes.
Et puis il monte les marches, une par une, s'arrête, parfois redescend pour
mieux remonter. Arrivé à ma hauteur :
-Vu d'en bas, vous êtes une très belle image...
-Je viens là tous les vingt ans.. Et à chaque fois, quel émerveillement !
-Quatre fois dans une vie, c'est bien vous ne trouvez pas ?
Il a un petit sourire, son journal roulé à la main, il dévale les marches
quatre par quatre. S'arrête encore, observe un petit bout de mur. Me fait un
petit salut et disparaît définitivement.